Appétit chinois, Europe désorganisée et voie du roi



Déjà éclipsé dans les media par les élections européennes et les nouveaux atermoiements du Brexit, le succès de la dernière visite de Xi Jinping en Europe doit être re-contextualisé.
Cassant l'unité de façade des européens face aux ambitions chinoises, l'Italie de Salvini fut, le 23 mars 2019 le premier de nos voisins à signer une lettre d'intention fixant les grandes lignes de sa participation au programme des nouvelles routes de la soie.
Pris entre les feux de la guerre commerciale, le marché européen cherche en vain sa stratégie. L'Italie joue cavalier seul au moment même où la Commission européenne estime publiquement que la Chine représente une menace systémique pour le vieux continent. Le risque étant bien plus large que la simple perte de parts de marché. 
29 accords portant sur des secteurs cruciaux tels la santé, le fisc et les infrastructures ont été signés entre la chine et l'Italie. Xi Jinping étendant ainsi son influence sur les mécanismes profonds de l'équilibre socio-économique de l'Italie .

  • La chine poursuit ses ambitions en matière touristique

Plus loin de nos contrées, c'est l'annonce la volonté du tour opérateur Ctrip de s'emparer de 49% des parts de son concurrent indien MakeMyTrip qui retient notre attention. 
MakeMyTrip est une entreprise en plein essor qui profite abondamment de la croissance indienne, laquelle a récemment dépassé celle de la Chine. On constate ainsi que la fin de la période de croissance folle de la Chine ne marque en aucun cas un coup d'arrêt à ses stratégies hégémoniques. 
Ainsi elle est en mesure d'adosser sa propre croissance en ralentissement sur celle vigoureuse de l'Inde. Disposant ainsi d'un nouveau levier structurel pour à la fois étendre son influence, sécuriser sa propre classe moyenne (source de la légitimité du pouvoir) et mettre en échec les éventuels pessimistes. 
  • La voie du roi au 21ème siècle 
N'oublions pas que le pouvoir chinois reste imprégné de ce que l'on appelle « la voie du roi" ou Wang dao. C'est l'idée ancienne selon laquelle le roi, ou l'empereur (en l'occurrence Xi Jinping ) centralise les rapports des barbares (en l'occurrence nous) avec l'empire du milieu. 
Ces barbares, suivant leur proximité et la profondeur de leurs rapports avec la Chine seront « crus" (rapports faibles) ou « cuits" (rapports forts). Le barbare est ainsi cuisiné et transformé par sa simple proximité avec l'empereur. Une proximité abstraite dont les effets sont eux bien concrets et opèrent sur un mode quasi alchimique.

Le monde barbare est alors absorbé plus qu'il n'est conquis. Par la simple force des choses.
L'idée à retenir pour nous est que la Chine dispose d'une méthode traditionnelle de traiter avec l'étranger et avec l'inconnu. Ce schéma de la voie du roi se répète de nos jours. Elle ne requière pas de la part de la Chine une compréhension sans faille des mentalités barbares pour porter ses fruits.
Et dans une optique de business, appliquer ses propres schémas de pensée sans se douter de la façon dont ils seront renversés voire nullifiés par la méthode de la voie du roi et sans s'intéresser autant à la façon dont les chinois appréhendent naturellement leurs rapports à l'Etranger qu'au décryptage de leurs stratégies commerciales, amène probablement à une lente et douce victoire des intérêts chinois. 

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